Bonjour à tous !

Quiconque s’est déjà engagé dans des travaux de construction ou rénovation de son habitat s’est confronté aux grands hauts et aux grands bas inhérents aux chantiers.

L’actuelle rénovation d’une ferme triplement séculaire, en moyenne montagne morvandelle, m’inspire cette déambulation, une mise en parallèle de l’expérience des travaux et du chemin d’évolution intérieure proposé aux êtres humains.

Bonne lecture, bel été à vous !

Frédérique

Tout commence par le besoin que quelque chose change.

Insatisfaction devant un existant défraîchi. Envie de pousser les murs. Aspiration à ce que la structure vieillisse en prenant de la valeur. Obligation d’intervenir en urgence suite à un dommage…
On se lance dans des travaux comme on se lance en thérapie : par aspiration au renouveau, par nécessité, ou par sagesse. Dans tous les cas, on est mu par l’envie de se rapprocher de qui nous sommes, tout au fond, encore balbutiant, hésitant. Une nouvelle forme cherche à émerger.

Toujours, le neuf s’arrime à l’ancien.

Nouvelle structure posée sur une pâture jusqu’ici offerte aux saisons. Extension moderne appuyée sur des murs vénérables. Parfois, l’ancien doit être déconstruit, pierre par pierre, pour que se réajuste l’édifice. Même les rénovations audacieuses ne s’exonèrent pas de ce qui est : la pente naturelle d’un terrain, les racines d’un châtaignier, l’empreinte en nous de l’histoire familiale, croyances limitées sur soi. Frêles ou fiers bâtisseurs, nous ne pouvons que prendre appui sur l’existant, avec délicatesse ou le fracas de l’arrogance.
Car le réel est têtu. On ne le vainc pas, on l’épouse. On danse avec lui.

Rien n’a été mis là par hasard.

Le lieu, comme l’individu, ont développé leur intelligence propre, même quand ils semblent peu fonctionnels, bancals ou vieillots. C’est cette énergie singulière qu’il convient de contacter d’abord, de comprendre, de respecter, avant de décider, si besoin, de ruptures radicales.

Ferons-nous nos travaux nous-mêmes ? Il est des tranchées qu’il vaut mieux creuser avec l’aide d’un autre, aguerri au maniement de la pelleteuse. Gare aux ouvertures percées sans étayage : on ne s’improvise pas poseur de linteau. L’épaisseur des murs, protectrice de l’intime, a (eu) son utilité.

Que vais-je trouver si j’abas ce mur ?

Sur quoi vais-je tomber si je réouvre l’histoire de ma vie ?

Est-ce que l’édifice global va tenir ?

S’il s’effondre, saurai-je reconstruire ?

Ne peut-on pas vivre bien sans mettre les fondations à nu ?

Rêve, appréhension, satisfaction, découragement, excitation, colère, lassitude sont les compagnons de route de l’artisan, confronté à l’inconnu et à la charge de travaux à mener en parallèle du quotidien…
Alors parfois, face à la galère du chantier qui s’éternise, une pensée surgit : restons sous la couette ! Partons au soleil, insouciants !

Oui, mais…
… « Peinture sur merde = propre ! »

« Peinture sur merde = propre », affirmait un ami, coutumier des emménagements. Si rien n’interdit de badigeonner nos murs de blanc, pour un rapide coup de frais, flatteur à l’œil, rien ne remplace la satisfaction d’un travail de fond, les heures ingrates à gratter les colles et vernis divers, afin d’afficher nos nouvelles couleurs.

La sérénité, la confiance en la solidité de l’édifice restauré, sont à ce prix.

En parlant de prix : la question du budget travaux mérite qu’on s’y attarde. Perçue soit comme une charge, soit comme un investissement, la rénovation de soi, comme celle de ses murs, a un coût. Surtout quand elle n’est vue que comme une dépense en empêchant une autre, plus immédiatement jouissive : « On refait les murs en chaux-chanvre ou on part en voyage ? » « Je m’inscris à cette formation ou je change de garde-robe ? »

Pour les esprits soucieux de rentabilité rapide, rénover dans les règles de l’art semble se faire à fonds perdus. Pas donné à tout le monde d’accorder de la valeur au supplément d’âme d’un être ou d’un lieu.

Et pourtant. La splendeur d’une demeure ne compensera jamais le chaos porté par ses habitants. A choisir, à l’échelle d’une vie humaine, ne vaut-il pas mieux investir dans son édifice intérieur ?

L’individu qui œuvre patiemment à son harmonie intérieure cherche-t-il moins la beauté des murs ? Sans doute pas, car la beauté intérieure se nourrit de beauté extérieure. Mais sa motivation ne sera pas la même.

Là où un esprit hors sol, prisonnier de ses peurs, de son besoin de briller ou de son avidité, cherche à (se) rassurer, le chercheur intérieur découvre au fil du chemin que l’harmonie se drape de simplicité et que l’élégance s’enracine dans l’humilité. Et nul doute que les murs, même parfaitement repeints, suinteront différemment chez l’un et chez l’autre.

L’être engagé dans sa propre évolution veille à créer une atmosphère propice au développement de la vie en lui et avec les êtres vivants humains, animaux, végétaux dont il partage l’espace éphémère. Par ses actes, par ses choix, par la justesse de son regard, il devient gardien discret de l’essentiel.

Devenir vivant, c’est le chantier d’une vie !

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